[Appel]
Pâles rayons de lune reflétant les nuances anthracite d’une rose aux pétales mourants, les épines autrefois si acérées semblent se confondre dans l’abandon, la léthargie. Seule face à son déclin, elle s’éteint. Elle se fane, déversant sur la terre son torrent de rancœur, lacérant ses idéologies premières, murmurant un avenir qu’elle n’entrevoit pas, suppliant presque la faucheuse de l’accueillir en son sein. Elle hurle ses tourments mais personne ne l’entend, ou presque …
[Kernand]
Une main agile, à la touche laiteuse, la saisit, contemplant d’un regard amer toute sa fragilité. Il la recueille, l’enveloppant d’une douceur protectrice. Et ensemble, ils mêlent leurs idéaux, leurs espoirs. Ils se surprennent à rêver de renaissance, d’une destinée où la rose aux reflets d’ébène se parerait de carmin, se drapant dans les robes de rubis.
Les quelques rides qui parcheminent le contour de ses yeux se plissent légèrement, tandis que la main caresse le velours de la belle. Et elle semble se relever, s'éveiller au contact de l’humain qui lui offre son dévouement, et sa raison.
L’être à la mine taciturne abandonne quelques instants son masque, laissant à jour ses craintes l’espace d’un souffle, pour à nouveau les enfouir. Il reprendra sa route plus tard, emmenant avec lui ses espérances et la tendre aux allures délicates.
[Hedovins]
Le vent balaie les mèches irisées par le crépuscule, dévoilant la candeur des traits, la douceur des contours de la bouche, la finesse de la courbe du nez, et le regard d’un ange aux sombres pensées.
La main glisse sur la corde de l’arc doucement, les miroirs de son âme se colorant de teintes cauchemardesques, et il abat la cible.
Le corps de ce qui fut autrefois l’un de ses frères cogne sur le sol rocailleux, répercutant les échos d’une douleur à jamais ancrée.
Paria, maudit, réprouvé, le cœur mis à nu, l’âme arrachée par les larmes, il continue. Il ne cesse d’avancer sur le sentier qui le mène à la rose. Elle l’appelle, de son chant mélancolique, et il acquiesce, il la suivra avec son cœur et son esprit. Il sait qu’elle lui donnera ce qu’il a tant cherché, si longtemps attendu.
Et c’est dans les yeux de Gudryn qu’il se noie, avant de reprendre la route, charriant ses désirs, plus jamais seul.
[Falaki]
Le bourdonnement d’une course effrénée, les pas d’une légion orc raisonnant dans l’obscurité, s’étouffent petit à petit, abandonnant lentement les pensées du jeune shaman. La morosité envahit celui qui murmure aux esprits.
Il se réveille, la sueur perlant à ses tempes, il s’est surpris, encore, à rêver de la horde, de ce qu’elle aurait pu être, de ce qu’elle fut avant de se jeter dans les flammes sacrées du dieu.
Les mêmes flammes qu’il aurait embrassées, si la rose n’avait pas murmuré son appel au creux de son oreille, lui promettant d’assouvir ses envies, de tarir ses doutes, et de le conduire enfin sur le chemin des glorieux faits.
Il se lève et enfile sa tunique, caressant du regard l’ébauche d’une destinée qu’il s’est promise.
[Taelsin]
Il relève la tête, contemplant le reflet de l’astre d’argent sur la cime des grands ancêtres, il pourrait presque lire dans leur écorce, la plainte confuse d’un peuple perdu au sein de sa folie, noyé par les luttes intestines.
Mais c’est un autre chant qui le berce, celui d’une voix mélodieuse, lancinante, ressac incessant de ses souvenirs. Elle l’enchante, le transcende, déversant en son âme le flot incessant de ses desseins.
Les lames brillent à la lueur de la lune, elles réclament de s’élever, d’atteindre les sommets de ses espérances. Elles revendiquent cette place de toute leur essence, grondant doucement, ronronnant presque dans l’obscurité la réponse au défi qu’elle lui intime.
Dans le halo argenté, il peut presque apercevoir les yeux de Yunna, la solitude ne fait plus partie de lui, il se surprend à sourire, il pourrait en rêver.
Mais l’autre le rappelle encore, se faisant de plus en plus pressante, il sait qu’elle sera la clé de sa destinée, et lui prête une oreille attentive. Il la suivra, se nourrissant de sa vitalité.
C’est la détermination qui se lit dans ses yeux lorsque d’ombre en ombre, il se glisse dans l’épaisse couverture de la forêt, séduit par la longue plainte qui résonne dans son esprit.
[Epilogue]
C’est à la croisée des avenirs qu’ils se retrouvent, quatre silhouettes si différentes, dont les espérances divergent, les cœurs lacérés par les passions, déchaînés par les haines. Ils ont répondus aux suppliques de la sombre, elle est à nouveau prête, les épines affutées, à laisser aux mémoires l’empreinte de ses taillades.
La jeune Lila enlace d’un regard tendre les quatre ombres qui se meuvent dans les ruelles étroites de la ville bruyante, posant la main sur son cœur, caressant du bout des doigts le blason qu’elle porte humblement. Puis les sourcils se froncent, barrant le front de l’adolescente.
Bordel, Kernand a le pantalon chiffonné!